Payer en monnaie de singe.

Bonjour à tous,

Il est toujours enrichissant de connaître l’origine des vieilles expressions. « Payer en monnaie de singe » est une expression française qui évoquait à l'origine une sorte de paiement en nature. Aujourd'hui, elle signifie d'utiliser une monnaie d'échange non convertible, pour « ne pas payer », ou escroquer un créancier. Depuis 1550, on parle au figuré, de « payer en monnaie de singe ».

En l’an mille, seigneurs et évêques rassemblent leurs deniers pour construire des ponts sur les cours d’eau. Les voyageurs n’ont souvent qu’une corde tendue d’une rive à l’autre pour traverser. Parfois un grand seigneur offre un pont à la population pour le salut de son âme, et interdit alors pour toujours le péage dans une charte. Mais l’entretien des ponts coûte cher, et les villes qui en ont la charge mettent en place un péage. On fait donc payer le droit de circuler, au passage des ponts, aux personnes et au marchandises. Aux portes de Paris, les péagers du XIIIème siècle laissent passer les baladins et bateleurs, en échange d’une chanson… et les montreurs de singe, d’une pirouette de leur mignon primate. Selon le Livre des métiers du XIIIème siècle, Saint Louis aurait accordé aux montreurs de singes le droit de payer en grimaces ou en tours de passe-passe le péage du Petit-Pont qui relie l’île Notre-Dame à la rive gauche. En 1416 une pancarte précisait cette tolérance à l’entrée du pont : « Le singe en marchant doit 3 deniers, si le singe est joueur, jouer il doit devant le péager, et par son jeu doit être quitte ». Ces numéros étaient proscrits par l'Église qui interdisait aussi leur rémunération. Les activités des jongleurs avec leurs numéros de singes savants ne sauraient être considérées comme des métiers méritant rétribution.

Sur la photo ci-dessous vous pourrez découvrir un méreau de jongleur du XIVème siècle. (Probablement la seule monnaie de singe du monde)
Le méreau en question a, sur l'avers, un joueur de vielle à archet faisant danser un chien et, sur le revers, un singe avec une chaîne autour du cou. Cet exemplaire rarissime, pour le péage des ponts de Paris, est en alliage plombeux. Les rares exemplaires connus sont conservés aux musées de Cluny et de Carnavalet.

Bonne lecture.
Pierre

Je précise qu'un méreau s'apparente à une fausse pièce de monnaie coulée dans un métal médiocre qui vaut de l'argent mais n'en est pas.
Les méreaux ecclésiastiques tirent leur origine des manques de présence des chanoines aux offices. Pour lutter contre de tels absences, il fut décidé de créer des méreaux distribués aux membres du chapitre présents, et aussi en fonction de la durée de l'office.
Ces méreaux étaient échangeables contre de la nourriture, de la boisson ou des vêtements voire même contre des espèces.

Bonsoir,
pour compléter votre article, je vous signale que la maison de tolérance " CARO" de Nïmes a fait frapper des jetons en laiton fourré rond de 21 m/m de diamètre avec :
- à l'avers : on s'amuse / chez / Caro / 15 rue / St Laurent Nîmes
- au revers : imitation de la pièce de 20 f. OR au Génie et " Monnaie de Singe "
Bonne soirée.
Bien à vous.
Isisfuji.

Bonsoir isisfuji,
C'est exact. Merci je ne connaissais pas. J'ai retrouvé son image avers et revers et on lit bien "Monnaie de singe".
Le recherche m'a permis de trouver d'autre jetons de maison close, dans d'autres villes françaises, ayant exactement la même mention.
Merci pour ce signalement intéressant et amusant.

Bien cordialement.
Pierre

Bonsoir pier2,
pour approfondir votre recherche :
Les Méreaux du Moyen Age ont fait l'objet d'études et publications de M. Jacques Labrot entre 1989 et 2010. M. Gérard Apollaro de Nîmes à également publié en 2020 une étude sur les Méreaux du Moyen Age. Les Méreaux ont eu un ancêtre : les Tessères antiques. A l'époque romaine les Tessères sont surtout représentées par deux catégories importantes :
- les Tessères donnant accès aux spectacles ou jeux dans les " Arènes " à des places peut-être réservées.
- les Tessères dites " Spintriennes " réservées aux "lupanars" de la Rome antique. L'importante collection de M. Roger Peyrefitte de la vente " Vinchon " à Paris en 1974.
Les Méreaux du Moyen Age avaient de nombreux utilisateurs :
- les Ecclésiastiques, mais aussi :
- de charité
- de compte
- de confréries
- de corporations et métiers
- des "fêtes folles"
- de jeux
- des "lombards"

- de "mouture
- de péage
- de prostitution
- de "reconnaissance" dont le très rare Méreau protestant frappé à N^mes au XVIIe siècle
- de rémunération
- et bien d'autres
Bonne soirée..
Bien à vous
Isisfuji.

Bonsoir Isisfuji,
Formidable complément d'information, merci pour votre intérêt même s'il on s'éloigne du sujet original du fil. Ce n'est pas tous les jours que l'on a la chance de pouvoir échanger sur les méreaus du moyen-âge.
Il est vrai que chez les protestants au XVIIème siècle, les méreaus sont utilisés comme "marque de reconnaissance" pour la nouvelle religion. Ces petits flans de métal étaient remis aux religionnaires qui étaient admis à la Cène ; à leur tour ils les déposaient sur la sainte table au moment où ils recevaient le pain et le vin.
Pour continuer à rêver et illustrer notre conversation, j'ai retrouvé le dessin et l'image du rarissime méreau du musée protestant, dont vous parlez.

Merci et bonne soirée.
A bientôt !
Pierre

Bonsoir pier2,
un grand merci pour la reproduction nette et précise du "méreau protestant" de Nîmes. Celui de ma collection est d'une frappe moins nette.
Bonne soirée.
Bien à vous.
Isisfuji.